La Cordonnerie Berlioz à Pau fait sa galerie pour ses 15 ans
A la fin du siècle dernier quand la gauche-caviar et le rock and roll existaient encore ils ont fondé, là où n’existait que le vide et le désespoir, près d’une pharmacie respectueuse, ce commerce aimé aujourd’hui de tous et en particulier des grimpeurs.
Va-nu-pied échoués, princes déchus de la coccida, pirates de la C4, mes frères, si un jour vous avez eu besoin de leurs services vous me comprendrez. En un clin d’œil, aux quatre coins de la France, je saurai si vous connaissez l’endroit, je verrai si vous avez erré comme tant d’autres et je vous reconnaîtrai immanquablement à l’imperceptible étincelle humide que votre regard de looser dominical n’allume plus depuis longtemps.
Si vous vous êtes pointés un jour avec un chausson légèrement fatigué, une carre de ski pendouillante, le crampon fatigué, ou le trou encore fumant dans un ski joyeusement éventré je le saurai.
Si vous êtes arrivés pressés alors le résultat aura été encore pire. Il aura transformé cette superbe journée de galère en aventure culturelle et dadaïste.
Passé la porte vitrée, parfois vous croirez vous être trompés de langue, de pays, d’époque ou des trois en même temps ! Et si vous êtes attachés à l’ordre naturel des choses, que les réponses suivent les questions par exemple, vous serez encore plus surpris !
Si vous survivez au hiéroglyphique Patrick après un quart d’heure d’attente et d’infinie absence, dans un abandon psychologique verglaçant, peut être, pris de pitié alors, Pascal ôtera son casque et prendra le relais. Malheureusement nous dirons, il s’occupera de vous. Il réussira à vous culpabiliser sur le vide intersidéral de votre existence, à pointer du doigt l’incommensurable néant de votre avenir. Il vous expliquera que votre chausson/coque plastique/ski super cher/planche de surf de chez Romano est à moitié foutue, l’état de votre matos presque désespéré et votre caution dans le dernier cas évaporée. Votre total détachement du monde aidant ou la lecture assidue de St Augustin vous permettra peut être de relever la tête et de regarder Pascal dans les yeux.
Il vous expliquera alors que …peut être…et ils réussiront la réparation ultime, le recollage de la mort, la couture fatale… parce que ce sont des héros ! Des vrais ! Des artistes ! Des poètes ! Les derniers en tous cas et j’en ai rencontré un paquet dans ce milieu.
Votre existence rebondira spectaculairement. Alors du looser total votre moral remontera de quelques points. Votre image auprès de votre copine décuplera. Ils répareront votre chausson, recolleront vos skis, et en plus ils ressouderont votre couple !
4 jours plus tard vous reviendrez et vous abandonnerez une somme pas du tout raisonnable (un mois de salaire) pour récupérer vos chaussons refaits à neuf, vos skis dézingués, le sac à dos cadeau de vos 17 ans.
Vous serez alors prêts à échouer derechef sur un 6b de fillette, à nouveau sur ce 6a de m…. ou ce chef d’œuvre en 5b morphologiquement stupide ouvert par un certain René M.
Nonobstant, la réparation n’aura servi à rien sinon à capitaliser une retraite un peu plus dorée en Floride pour l’un des barbus et à finir de payer ce ranch en Patagonie pour l’autre avec pour premier voisin à 700 km Florent Pagny…(bon 700 km tout de même)
Si on survit au réchauffement climatique annoncé, à la grippe porcine, à 3 ans de Sarkozisme supplémentaires alors on se retrouvera peut être dans 5 ans pour une fête mémorable, un concours de mauvais jeux de mots et de phrases éteintes à jamais, parce que décalquées sur les murs, parce qu’accrochées au panthéon fumant de la cordonnerie comme des chorizos pendouillant virilement dans une auberge des Asturies.
On ne les remerciera jamais assez pour leurs cafés mous, leurs gâteaux durs, leurs étincelles pathologiques d’humour, leurs indéfinissables poésies déglinguées dans ce monde circoncis, stable et dépourvu d’aventure.
Et parce qu’ils ont créé aussi avec d’autres vagabonds du même acabit, dangereusement incontrôlables, la Maison de la Montagne, notre association, nous leur sommes immensément et définitivement reconnaissants.
Pierre