« Le sentiment de la nature, force révolutionnaire », Bernard Charbonneau

Publié par Pierre MACIA le

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Il est étrange que la montagne devienne pour certains le seul salut, il est étrange que nous ne puissions vivre normalement que lorsque nous gagnons sac au dos l’entrée des vallées ; pourquoi ne pouvons-nous vivre que lorsque nous fuyons notre métier, notre famille, notre patrie ? Car nous fuyons sans nous retourner ; la montagne, autrefois terre de refuge pour les peuples vaincus, est aujourd’hui l’asile de ceux qui ne retrouvent la paix que lorsque son ombre tombe enfin sur le jour féroce des villes. Nous nous fuyons nous-mêmes aussi, mais comme notre moi n’est qu’un moi social, nous fuyons notre civilisation

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En descendant à grands pas du col, ils verront s’étendre à leurs pieds le paysage de l’utopie : des maisons solides et propres, dispersées dans des bouquets d’arbres, des fabriques aux toits de tuiles rouges, animées par le courant de la rivière ; un peuple de paysans et de mécaniciens rentrant sans hâte de leur travail en chantant dans les chemins. Qu’ils n’aient pas peur de méditer au crépuscule, ils comprendront qu’ils n’ont rien à voir avec ces partis qui ne peuvent construire qu’un monde compliqué et gigantesque, ils se détacheront des mythes monstrueux et des foules infinies qui les adorent ; ils maudiront les masses et les empires, ils comprendront que toute révolution véritable simplifie la vie de l’homme, lui permet d’avoir plus de prise sur les objets, de mieux tendre la main vers son prochain. Ils s’apercevront que les hommes sont impuissants parce qu’ils sont perdus dans des rêves gigantesques ; l’or s’entasse dans des caves blindées, le blé pourrit dans les silos à côté de misérables morts de faim. Ils comprendront que notre pensée est impuissante parce que nous pensons au hasard, et nous pensons au hasard parce que nous ne sommes plus sur la terre. Ceux qui connaissent la beauté de l’arbre, la fraîcheur de la source comprendront que la révolution pour la maison au soleil, pour la liberté des vallées a plus de grandeur que pour le bleu, le blanc et le rouge, la flèche ou la tête de mort. » Alors descendront des montagnes les nouveaux Barbares qui détruiront le vieil empire pour permettre à un monde de renaître sur ses ruines.

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