« Je ne suis pas le plus grand alpiniste de l’histoire, concède-t-il avec un léger sourire. Je suis juste le plus vieux. »

Publié par Pierre MACIA le

Une petite silhouette râblée transperce la nuit. Il est à peine 6 heures du matin et les premières lueurs du jour vont bientôt éclairer les pentes du Cerro del Telegrafo, un sommet moyen au pied de la Sierra de Guadarrama, le massif montagneux situé au nord-ouest de Madrid. Un bâton de marche dans chaque main, une lampe sur le front, Carlos Soria avale les derniers hectomètres de cette montée escarpée à un rythme soutenu et régulier, presque mécanique. Il fait un froid polaire en ce 19 mars 2013 quand une pluie épaisse et glaciale se met à tomber brutalement. Emmitouflé dans un anorak bleu azur, la capuche serrée sur la tête, l’alpiniste espagnol avance, le regard braqué devant lui.

Pas question de se laisser distraire par cette petite intempérie. Dans quelques jours, il s’envolera pour Katmandou, au Népal, afin de préparer l’ascension du Kangchenjunga, le « Kangch’ ». Perché à 8586 mètres d’altitude, ce sommet est le troisième plus haut du monde après l’Everest et le K2. Vingt-trois ans après avoir gravi le Nanga Parbat, en 1990, son premier 8000, Soria s’attaque à son 12e méga sommet himalayen à l’âge canonique de… 74 ans. Du jamais-vu dans l’histoire de l’alpinisme. « Je ne suis pas le plus grand alpiniste de l’histoire, concède-t-il avec un léger sourire. Je suis juste le plus vieux. »

Pourtant l’Espagnol est bel et bien parti pour être « canonisé » de son vivant. Il a en effet programmé deux autres ascensions dans la foulée de son expédition dans le Kangch’, l’Annapurna et le Dhaulagiri. Ce sont les deux seuls autres sommets himalayens de plus de 8000 mètres qui manqueront encore à son tableau de chasse. S’il les accroche, il intégrera le cénacle des alpinistes ayant conquis les quatorze plus hauts sommets du monde. Un Graal que l’Espagnol entend atteindre au plus tard en 2016. Il aurait alors 77 ans ! « C’est un bon âge pour le faire, assure-t-il froidement, sûr de sa force. Ça ne m’inquiète pas plus que ça. » Cela en ferait surtout le plus vieil himalayen de l’histoire. Une légende des cimes.

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