Ecologie profonde

Publié par Pierre MACIA le

L’écologie « classique » pose comme finalité de la morale et de l’action
la satisfaction des besoins humains, et attribue au reste du vivant le
statut de simple ressource : tels sont l’anthropocentrisme et
l’humanisme. L’écologie profonde inscrit, au contraire, le destin de l’Homo sapiens
dans une vision totalisante de la vie : c’est un biocentrisme. À ses
yeux, le fond du problème n’est pas l’homme en tant que tel, mais
l’homme et l’ensemble des espèces avec lesquelles il coévolue depuis son
apparition.
Arne Næss formule pour la première fois ce concept dans un article qui
paraît en 1973, et qui est intitulé « Le mouvement écologique
superficiel et le mouvement profond ». Il y affirme notamment : « Le
droit de toute forme de vie à exister est universel et ne saurait être
quantifié. Aucune espèce ne détient plus qu’une autre un droit spécial à
exister. » Les idées d’Arne Næss choquent les penseurs humanistes,
religieux, bien-pensants, communistes, progressistes, béni oui oui ou
politiquement corrects. Mais ses propos constituent une revigorante
incitation à la réflexion.
Cependant, au contraire de ce que font semblant de croire Luc Ferry dans son essai Le Nouvel ordre écologique, ou Jean-Christophe Ruffin dans son roman Le Parfum d’Adam
(mais tout est permis dans un roman !), les tenants de l’écologie
profonde ne sont pas nombreux ! Loin de la secte en quête de pouvoir… La
deep ecology, combien de divisions ? Zéro… Ce n’est pas demain
la veille qu’on verra un « fascisme vert » éliminer des humains pour
faire de la place aux requins, aux loups ou aux éléphants.
Il arrive que, dans ses moments de fantasme sadique (qui ne connaît pas ce genre de délire ?), et au désespoir de voir l’Homo sapiens se conduire si bêtement et si méchamment, l’auteur de ce Dictionnaire
envisage pareilles extrémités. Petit plaisir innocent de l’imagination !
Mais qui permet de poser, sous forme d’interrogation provocante, le
grave problème philosophique des limites de l’humanisme. Celui-ci nous
commande de privilégier l’humain en tout temps et en tout lieu. Nous en
sommes d’accord. Mais supposons qu’en 1933, par une magie
d’histoire-fiction, nous ayons devant nous, d’une part le couple
Hitler-Eva Braun, et d’autre part le dernier couple de tigres.
Nous ne pouvons en sauver qu’un seul. Lequel choisissons-nous ?

Yves Paccalet, le 19 septembre 2010. Extrait du « Dictionnaire énervé de l’écologie. »

Pour compléter : A lire ICI : Le dernier ours de souche pyrénéenne serait-il mort?


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