Le Parc National des Calanques devrait voir le jour en 2011

Publié par Pierre MACIA le

Assurer l’avenir, prévoir l’irrévocable, assumer des responsabilités
difficiles telles sont les tâches des élus. Des mesures contraignantes ont été prises dans
les Pyrénées en 1967 à la naissance du Parc National des Pyrénées à un
moment où les effectifs des isards chutaient dangereusement et que la
montagne s’ouvrait au tourisme de masse.
Créer un Parc pour protéger les Calanques des promoteurs, des aménageurs, des pollueurs, du bruit et de la nuisance que peut engendrer une ville de 1,4 millions d’habitants comme Marseille est une mesure précieuse pour l’avenir. Alors pourquoi ce doute et ces questions, ces pétitions qui fleurissent, ces associations de promeneurs, grimpeurs et kayakistes qui montent au créneau ?
Des portes de la prison des Baumettes jusqu’à La Ciotat s’étend l’un des plus formidables territoires de gorges, de précipices et de falaises calcaires de France. Terrestre et maritime, c’est un monument de calcaire chanté par Frédéric Mistral: 13 000 hectares de cailloux parfumés au serpolet. Sans oublier 80 000 hectares de Méditerranée. La prise de conscience de la fragilité du site par les habitants remonte à 1923 avec la création d’un Comité de défense des calanques. En 1975-1976, l’État a classé la zone terrestre (5 585 ha) et maritime (2 209 ha) des calanques sous l’impulsion des associations, et le site a été considéré éligible pour le programme Natura 2000 sur 7 812 ha en 1996.

Ce sera le premier parc national créé en métropole depuis 1979. Et à deux pas d’une grande ville: Marseille. Une proximité qui suscite beaucoup de craintes.
Un parc national habité, c’est possible? Oui, répond le groupement d’intérêt public (GIP) des Calanques, qui porte le projet. Le GIP des calanques a été créé en 1999 pour huit ans, avec pour missions d’animer et coordonner les actions de protection en vue de préserver le site classé des calanques, et de préparer la création d’un parc national. Il a été prorogé fin 2007 pour une durée de trois ans.
Le hic, c’est que tout le monde ne partage pas ce point de vue. Et notamment Jean-Claude Gaudin. Le maire (UMP) de Marseille ne s’est rallié que tardivement au projet. Et il cherche encore à soustraire des noyaux villageois (les Goudes, Samena, Callelongue) à l’autorité du sanctuaire. Sa crainte ? Qu’ils ne soient soumis à des restrictions d’urbanisme trop rigoureuses.  » Ce sont les mêmes que celles en vigueur depuis 1975, date à laquelle le site a été classé!  » rétorque Guy Tessier, député (UMP) et président du GIP.  » Le vrai problème, c’est que, jusqu’à aujourd’hui, tout le monde se fichait des règles « , poursuit-il, visiblement agacé par « quelques personnes qui ont des restaurants dans les calanques et l’oreille du maire. Tous ceux-là craignent qu’on ne remette en question certaines constructions. » (L’Express du 4 mai 2010)

Bravo crie Mountain Wilderness ! « C’est une étape décisive, le fruit d’un long combat mené par le mouvement associatif et citoyen, à Marseille, Cassis, La Ciotat, mais aussi dans tout le pays. Enfin, un parc national pour nos Calanques !
Physiquement (au sens de la géographie), c’est, comme le suggère le document, une interface entre les collines ou les parois provençales, et les fonds marins de la Méditerranée, mais c’est aussi une nature à perte de vue. Culturellement, c’est un espace approprié d’une part, par les pêcheurs et les cabanoniers, et d’autre part, par les excursionnistes, alpinistes, grimpeurs qui ont fait monter sa « valeur marchande », mais aussi par des peintres (Briata) et des écrivains (Izzo). Il a une spécificité supplémentaire, celle d’avoir un million d’habitants à sa périphérie immédiate. Autant la ville s’estompe dans un incroyable mirage en pénétrant dans le massif, autant ses habitants en ont besoin pour se revivifier, pour se ressourcer. C’est le grand jardin cher à Gaston Rébuffat, qui aurait certainement été heureux de vivre l’instant de la naissance du Parc national des Calanques. »

Alors pourquoi ces mécontents qui appellent à signer les pétitions en stigmatisant comme d’habitude « …les ayatollahs de l’écologie intégriste qui veulent priver les plaisanciers et les pêcheurs de la rade de ce qui en fait tout son attrait, les Iles où l’on trouve toujours un abri dans une crique quels que soient les vents…. » tel Jean Claude Payan, Capitaine au long Cours et Plaisancier…
Ou encore les chasseurs sous-marins de Bleusauvage 83 qui craignent pour leurs plaisirs solitaires : « L’avenir de notre passion comme celui de la plupart des usages en mer, est en grand danger dans les Calanques où se déroule la concertation pour le futur Parc National. A l’heure actuelle, les propositions de réserves du GIP  sonnent le glas de la pratique… »
Enfin les grimpeurs de diverses  associations: « Quand on parle de réserve intégrale, cela signifie plus aucune pénétration humaine : grimpeurs, randonneurs et autres. Un désert humain total. Bien entendu, nous, grimpeurs, sommes offusqués et protestons contre une telle hérésie. Il faut comprendre que le massif est si petit, qu’il est le poumon vert de la ville de Marseille et ses environs (plus 1,5 millions d’habitants). Nous ne parlons pas d’un territoire perdu au fin fond d’une île déserte inaccessible, mais bien de notre terrain de jeu et celui de nos enfants. Aujourd’hui il est en grand danger et je pèse mes mots…. il est proposé une réserve intégrale du Devenson jusqu’à l’entrée d’En Vau. Mais il est aussi proposé d’ajouter toutes les falaises du Cap Canaille, de Cassis à la Ciotat soit plus de 15 km de littoral. »

Terrain de jeu, le mot est lancé…faut pas toucher au terrain de jeu des uns et des autres !

Alors qui croire ?
Ceux qui sont pour comme le CAF (si on s’attaque aux vraies nuisances), le collectif Calanques de  Surfrider fondation, WWF, Les Amis de la Terre, le GRAINE, La LPO, la COMEX etc.
Ou ceux qui prêchent le contre parce qu’ils ont peur de perdre le peu de liberté qu’ils leur restent (grimpeurs, randonneurs). Qu’on touche à leurs passions alors que se déversent des tonnes d’eau usée d’un grand collecteur dans la calanque de Cortiou, que rien n’empêche le survol les hélicos et le ballet des avions, auquel s’ajoute les rejets de gasoil des plaisanciers et le bruit des jet-ski …

Parc à visage humain dit l’association «des Calanques…et des hommes» pour qui  les objectifs du Parc ne seront donc plus de « protéger les paysages, la biodiversité et le patrimoine culturel tout en soutenant des activités économiques respectueuses de l’environnement, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes », mais de « permettre et soutenir les activités traditionnelles ou innovantes respectueuses de l’environnement, et de maintenir le patrimoine culturel lié à ces activités tout en protégeant les paysages et la biodiversité des Calanques ».
On joue un peu sur les mots car le véritable problème est de réfléchir à un avenir pour les Calanques face à la pression immobilière, à la sur fréquentation et au tourisme de masse. A une société de loisir défendue becs et ongles parce qu’elle génère beaucoup d’économie, s’ajoute aussi une société de consommation effrénée sans entraves autres que la loi du marché. Alors quelles autres réponses peuvent apporter le politique et les institutions à part interdire, soumettre, légiférer ?
Dans les Pyrénées, nous nous sommes largement habitués aux adaptations, aux consensus, à mettre l’homme au centre de tout jusqu’à réduire de plus en plus l’espace vital de la grande faune sauvage (ours, tétras), tracer des pistes et soutenir les aménagements pour maintenir les activités « traditionnelles » dont la chasse fait partie. Et si à force de consensus et en voulant arranger tout le monde, le Parc National des  Calanques doit devenir une sorte de réserve molle à qui cela conviendrait réellement?  Des parcs à dimension économico écologique dans le lignée des réserves naturelles d’intérêt touristique fleurissent aujourd’hui partout. Balisées, panneautées, animées elles ne sont pas la vraie Nature mais une adaptation de l’homme, une parodie d’écologie. Est-ce que les amoureux de la nature dans le sud-est (dont les grimpeurs, plongeurs, randonneurs font infiniment partis) veulent un parc au rabais ? C’est la question qui mérite d’être posée. Peut être doit-on laisser quelques territoires totalement inaccessibles pour que la nature puisse respirer un bon coup ? Sanctuariser, parce que pour aimer vraiment il faut savoir souvent renoncer…
On peut émettre quand même quelques doutes sur la profondeur des questionnements  des militants anti-parc et des réponses à apporter  quand les opposants appellent un témoin comme Jean Lassalle pour « à faire part en public de l’expérience négative vécue par les populations situées dans le périmètre du Parc national des Pyrénées. » On sait  tous ce que cet imminent homme politique longtemps président du P.N.P (1989 – 1999) a oublié de faire  pour protéger l’ours dans les Pyrénées…mais on peut toujours se tromper et les gens peuvent changer… (La Provence le 30 avril)

(A lire aussi  la Tribune du site La Ciotat Cœur de Parc ICI)

Alors, comme le CAF et quelques assos humanistes (dont des Calanques et des hommes), qui pensent que le temps des pratiques égoïstes est révolu et qu’il est urgent de protéger pour nos enfants aujourd’hui les paysages de demain, nous pouvons croire qu’on pourra toujours débattre, discuter, s’arranger avec les pratiquants « doux » grimpeurs, surfeurs, plongeurs, randonneurs dont l’impact sur la nature est infime et arriver à un Parc National cohérent, chaleureux, respectueux avec comme objectif la préservation de ce monument que sont les calanques en attendant de s’attaquer au Mont-Blanc…
Autant, j’ai peine à croire, à cause du passé que dans certains endroits sans une interdiction ferme, drastique, les aménageurs, pollueurs et autres mafias du littoral s’arrêteront à un simple panneau d’information « peace and love » qui voudrait éduquer plutôt que d’interdire…

Alors : Vive le Parc National des Calanques !.. Il ne se fera pas dans la joie et la bonne humeur comme avant lui celui des Pyrénées, des Ecrins, de la Vanoise, du Mercantour, de Port-Cros, de la Guadeloupe, de la Réunion, de la Guyane.
Le combat aux portes de Marseille est aussi le combat de la biodiversité partout dans le monde…et que les grimpeurs et les  montagnards soient aux premières places de cet engagement contre la connerie humaine devraient encore un peu plus nous réjouir !