Francesc Ferrer, fondateur de l’ecole moderne est fusillé à Barcelone le 13 octobre 1909
Francesc Ferrer i Guàrdia, en castillan Francisco Ferrer
Guardia, était un libre-penseur espagnol et pédagogue qui créa en 1901 l’École
moderne, un projet de pédagogie libertaire.
Né à Alella, une petite ville près de Barcelone, le
treizième des quatorze enfants d’agriculteurs catholiques et monarchistes. A 14
ans, il travaille chez un minotier de Barcelone qui l’influence énormément
de ses idéaux républicains; Francesc lit énormément, s’intéresse à la politique
et commence à fréquenter les milieux socialistes et anarchistes.
Autodidacte,
il étudie Pi i Margall et les doctrines des internationalistes.
En 1883, il rejoint la compagnie des chemins de fer et
travaille sur le trajet Barcelone-Cervère, dont il profite pour être un lien
entre les partisans de Ruiz Zorrilla, chef du Parti Républicain Progressiste
dont Francesc est membre.
L’échec du coup d’État du général Villacampa, qui
voulait proclamer la République, oblige Francesc à s’exiler à Paris avec Teresa
Sanmartí, avec laquelle il a trois enfants. Il y réside entre 1886 et 1901. Il participe en 1892 au Congrès
Libre-Penseur à Madrid, époque où il initie un changement d’idéologie de
républicain à anarchiste.
Pendant ses années parisiennes, Francesc travaille au projet éducatif de
l’École moderne, qu’il établit à Barcelone en août 1901. Le moment est propice,
car les milieux ouvriers et populaires d’Espagne, mais aussi la bourgeoisie
républicaine la plus radicale, réclament une alternative au modèle national
contrôlé de plus en plus par l’Église catholique.
L’École moderne soutenue par
120 cercles et associations gagne dangereusement du terrain; et de nombreux
centres éducatifs rationalistes voient le jour dans tout le pays.
Par
conséquent, entre l’Espagne des prêtres, de l’armée et du roi, entre son
gouvernement et l’École moderne de Francisco Ferrer la guerre est ouverte.
Grand partisan de la grève comme prélude de la révolution
sociale, Francesc subventionne et écrit pour le journal « La Huelga
General » (La Grève Générale) de 1901 à 1903. Il fonde son propre journal
« Solidaridad Obrera » (Solidarité Ouvrière) en 1907, et participe en
1909 à la campagne pour la libération des prisonniers de Alcalá del Valle.
Le 31 mai 1906, le jour du mariage du roi Alfonso XIII, une
bombe explose au milieu du cortège, provoquant la mort de 28 personnes. Le
coupable est Mateo Morral, traducteur et bibliothécaire de l’École Moderne.
Les conséquences sont l’emprisonnement de Ferrer pour complicité, et la
fermeture de l’École. Francesc ne sera libéré qu’en juin de l’année suivante.
L’occasion est trop belle et s’il faut acquitter Francesc
Ferrer, le gouvernement Espagnol n’en interdit pas moins
l’École moderne.
Ses tentatives de rouvrir l’École Moderne de Barcelone sont
infructueuses, et il essaye alors le même projet en France puis en Belgique, où
il fonde la Ligue Internationale pour l’Éducation Rationnelle de l’Enfance,
dont le Président Honoraire est Anatole France. En 1908 il édite L’École
Rénovée, la revue de la Ligue, qu’il transfère ensuite à Paris, où il reprend
aussi la publication des bulletins de l’École Moderne.
Mais la colère secoue la Catalogne contre Madrid engluée
dans la guerre coloniale au Rif Marocain.
Barcelone se dresse contre la
dictature et la guerre aussi désastreuses. Le 26 juillet 1909, c’est la grève,
puis l’émeute. Dans la nuit du 27, les églises et les couvents sont incendiés.
Le 27 et le 28 l’armée fraternise avec le peuple. Barcelone est entre les mains
des Libertaires. C’est la Révolution ! Francesc Ferrer n’est évidemment pour rien dans l’évènement : l’histoire le démontrera.
Madrid réagi brutalement et la révolte est noyée dans le sang. L’évêque de Barcelone au nom de
l’ensemble des prélats de Catalogne, proteste auprès de Madrid «contre les
événement de juillet et contre ceux qu’il déclare responsables, c’est-à-dire
les partisans de l’Ecole sans dieu, de la presse sectaire et des cercles
Anarchistes qu’il faut supprimer».
Francesc Ferrer est arrêté.
Il est
jeté en prison. Mais Ferrer est innocent. Il croit en ses juges. Il a
confiance dans le verdict.
Le 9 octobre 1909, il comparaît devant le tribunal
militaire. Depuis longtemps, on lui a ravi ses vêtements et on lui a donné un
costume loqueteux qui le désigne comme
« l’Anarchiste incendiaire et assassin ». Il est jugé coupable devant un tribunal
militaire d’être l’un des instigateurs de la Semaine tragique.
Avec Francesc
Ferrer sont enfermés à huis-clos sept officiers. Le 11 octobre, à 3 heures du matin, Ferrer est transféré à la citadelle de Monjuich et le 12 octobre, a 8 heures on
lui notifie la sentence : la mort !…
Francesc Ferrer se voit revêtir d’une sorte
de camisole de force, on le conduit devant les prêtres qui doivent l’aider
à se préparer à la mort. Le révèrend père jésuite FONT entreprend Ferrer. En vain. L’aumônier du château de Monjuich lui succède et ce dernier
est relayé par les frères de la charité qui harcèlent le condamné.
Ferrer répond : «qu’il n’a rien de commun avec les robes noires». Il
exige un notaire pour lui dicter son testament. Puisqu’on lui interdit de
s’asseoir pour essayer de la faire mettre à genoux, Francesc Ferrer dictera ses volontés pendant 7
heures.
Le matin du 13 octobre 1909, à 9 heures, Francesc Ferrer marche vers son exécution. Il demande à être fusillé debout, face au peloton,
sans bandeau sur les yeux. Les officiers exigent qu’on lui mette un bandeau.
Avant que ne claque la fusillade, Francesc Ferrer, d’une voie forte, lance aux
soldats du peloton : «Mes enfants, vous n’y pouvez rien, visez bien. Je suis
innocent. Vive l’Ecole ! ».
Vive l’Ecole ! l’Espagne des prêtres et du roi a tué
Francisco Ferrer parce qu’il bâtissait des écoles et s’affranchissait des dogmes.
Le monde entier a frémi et les nations se dressent
contre ce crime.
Lisbonne met en berne le drapeau de son Hôtel de Ville.
Milan avec son conseil municipal monarchiste prend le deuil.
Charleroi hisse ses drapeaux noir sur les maisons du peuple.
La Marseillaise symbole de solidarité Révolutionnaire retentit dans les rue de Montevideo.
Des boulevard de Paris à l’Université de Saint-Pétersbourg de Londres, de Rome et de Berlin
c’est la levée en masse des Hommes Libres qui contraint 50 consuls d’Espagne à démissionner de leurs postes à l’étranger.
Depuis des mois, en France, d’Anatole France à Henri Rochefort,
de Séverine à Maurice Mæterlinck c’était le même cri d’angoisse et lorsque le
crime est accompli, Camille Pelletan, ce solide radical, ne craint pas d’écrire
: « Chez nous un procès Francisco Ferrer paraît impossible. On n’oserait pas
aller si loin. Croyez-vous que ce soit la bonne volonté qui manque? En Espagne
on fusille l’école Laïque. En France il faut se contenter de lui déclarer la
guerre à grand bruit. Cela vaut mieux, mais c’est la même haine qui dirige les
deux attaques».
A un demi siècle de distance, ce texte de Camille Pelletan
demeure toujours d’actualité. Dans son testament dicté quelques heures avant
son exécution, Francisco Ferrer écrivait à l’intention de ceux qui l’aimaient :
«Le temps qu’on emploie à parler des morts serait mieux employé à perfectionner
les conditions où se trouvent les vivants».