Vallées de Saux et de la Géla, quelques interrogations sur le futur et la Charte du Parc National des Pyrénées
La réalité oppose, la plupart du temps, l’économie et l’écologie dans les territoires de montagne.
Comment concilier tourisme de masse et garder un pastoralisme vivant, tout en préservant des écosystèmes extrêmement fragiles ?
Comment associer des hommes à un territoire que l’on voudrait garder sauvage, vaste, presque inaccessible, à l’abri au moins des promoteurs, réservé aux amoureux de la nature, des grands espaces, aux contemplatifs ? Et enfin, comment le partager entre bergers, chasseurs, pêcheurs, naturalistes, grimpeurs, randonneurs, skieurs l’hiver ?..
Faire de la politique, c’est trouver un moyen terme. Pour cela il y a deux solutions : négocier au plus serré, promettre et ne pas être obligé de tenir (on le voit avec l’ours). Ou bien mettre les gens face à leurs responsabilités, débattre longtemps et trouver des solutions.
Au cours des années 70, 80, 90, le développement touristique en montagne et l’accès au tourisme de masse s’est le plus souvent traduit par des aménagements brutaux et des usines à ski et par la destruction de biotopes fragiles, de vallons exceptionnels, d’espaces uniques à jamais défigurés. Avec les projet de la Géla (extension de Piau) en France et de Canal Roya ( Formiga/Candanchu), de Castanesa (Cerler) en Aragon, on aborde le problème de ces zones en périphérie des stations de ski, déjà pétées, éventrées, hérissées de pylônes. S’étendre jusqu’où ? Ou arrêter là le massacre ? Qu’en pensent les skieurs de station ?
L’économie ou l’écologie, comment choisir ? Préserver ou sanctuariser (mot qui fait peur) ? Pour l’instant, ce sont les associations d’amoureux de la montagne qui montent au créneau pour se frotter aux élus et aux lobbies du béton et de la neige de culture… Pourquoi ? Pour le droit simple et inaliénable de conserver pour les générations futures des endroits sauvages et vierges partagés avec les pasteurs transhumants.
Le projet d’aménagement de la Géla fait partie de ces zones de friction. Sur son site, l’Association pour la défense et la protection des vallées de Saux et de la Géla pose un certain nombre de questions fondamentales sur la Charte du PNP et l’aménagement des zones en bordure des stations. Il soulève en même temps quelques incohérences en rappelant qu’il est indiqué clairement dans la carte du parc annexée au projet de charte du Parc que la zone du vallon du Hourquet et de la vallée de la Gela sont des « espaces susceptibles de faire l’objet d’aménagements pour la pratique des sports d’hiver ». Ils ont noté un certain nombre d’incohérences qu’ils nous livrent. Le message laisse circonspect. A force de vouloir ménager tout le monde, en fin de compte que veut-on réellement protéger ?
- Comment peut-on d’un côté prôner la solidarité écologique entre la zone cœur et la zone optimale d’adhésion (orientation34) et admettre qu’à moins de 250 m de la zone cœur, on puisse autoriser la création d’une station de ski ?
- Comment peut-on vouloir défendre l’agropastoralisme et dans le même temps condamner de nombreux hectares d’estives ?
- Comment peut-on vouloir éviter, en zone d’adhésion, la création de points noirs paysagers (orientation n°4) et dans le même temps autoriser l’arasement des montagnes, l’érection de pylônes, la création de retenue collinaire … en covisibilité avec le Parc et la zone Patrimoine Mondial de l’UNESCO ?
- Comment concilier l’artificialisation des paysages que ne manquera pas de provoquer la station et la préservation de l’économie de montagne, la découverte des patrimoines (orientation 22) ?
- Comment préserver les écosystèmes aquatiques et les zones humides (orientation 29) en autorisant terrassements, drainages et captages qui les bouleverseront ?
« Les nombreux lacs, torrents et zones humides du territoire forment un réseau hydrographique riche et diversifié. Celui-ci abrite une faune et une flore spécifiques. Il est important de renforcer les connaissances de ces milieux fragiles pour mieux les conserver. - Comment préserver les espèces rares et menacées (orientation 31) tout en autorisant des installations qui menacent la flore (Androsace des Pyrénées et autres variétés) et la faune (aigles royaux, lagopèdes, perdrix grise, grands tétras, isards, desmans, euproctes des Pyrénées …) ?
Autant de questions pour l’avenir de notre patrimoine commun (les Pyrénées) avec l’enjeu d’une densification des pratiques de loisir, un libéralisme économique sauvage, une fuite en avant touristique, un réchauffement climatique annoncé… (A ce propos, lire l’excellent article de Jim Sorbet dans le N° 249 de la Revue Pyrénées : Changement Climatique et Tourisme Hivernal)
LA SUITE ICI : http://www.sauvons-la-gela.org (12 février 2012)
Les photos proviennent de l’Association « Plateforma en Defensa de las Montanas de Aragon » qui lutte, entre autre, contre l’extension des stations de Formigal et le projet de Castanesa.: http://www.plataformamontanas.es/