Chantal Jouanno devant le comité du massif pyrénéen ce lundi : Va-t-elle annoncer de nouvelles réintroductions d’ours ?
Dans les Pyrénées, l’ours est un sujet
qui fâche. Avant seules les vallées d’Ossau, d’Aspe et d’Hecho « subissaient»
la présence de l’ours brun. Présence discrète, rencontre rarissime, les bergers
vivaient tant bien que mal avec. Peu à peu l’espèce s’éteignait loin des
regards et des remords et son souvenir rejoignait celui du splendide bouquetin d’Ordesa. Les ours, autrefois nombreux dans
les Pyrénées, ont vu leur population décliner à partir du 19e siècle devant
l’avancée humaine.
Dans les années 1980, un noyau résiduel d’individus
subsistait dans les vallées d’Ossau et d’Aspe, insuffisant pour assurer la
préservation de l’espèce. C’est pourquoi, à partir des années
1990, un plan de réintroduction de l’ours brun a été mis en place. En provenance de Slovénie, Les
plantigrades sont réintroduits en deux phases : deux femelles (Ziva et Mellba)
et un mâle (Pyros) en 1996-1997, puis à nouveau quatre femelles (Francka,
Hvala, Palouma et Sarousse) et un mâle (Balou) en 2006. Progressivement, la
population s’élargit grâce à de nouvelles naissances (cinq oursons en 1997,
deux en 2007) ce qui démontre bien l’excellente adaptation de ces « ours étrangers » aux conditions locales. Alors que dans les Pyrénées centrales la présence
ursine avait été complètement anéantie dans les années 90, aujourd’hui, ce
berceau est le plus important du Massif comprenant au moins 11 individus dont 6
à 7 femelles, pour certaines suitées.
Depuis la mort hautement symbolique de Cannelle toute tentative de réintroduction de l’ours provoque de vives polémiques. Des deux côtés, pro et anti-ours
fourbissent leurs arguments dans un climat extrêmement passionnel, tandis que le plan se poursuit
avec des résultats plutôt favorables. Mais qu’on soit pour ou contre ce retour
des plantigrades, celui-ci dépasse l’enjeu local pour soulever des questions
d’une portée universelle sur la préservation des espèces sauvages…
Si on écoute les associations
pro-ours et certains experts comme Gérard Bozzolo, il faut renforcer la population :
« A l’évidence, ce sont des femelles
dont a besoin la population ursine pyrénéenne. Nul besoin d’explications
compliquées pour le noyau de présence occidental. Pour les autres
localisations, il en va de même.
Compte tenu du comportement
dominant des mâles et du fait que l’un d’entre eux est le progéniteur majeur
(Pyros ?), il ne reste plus que les femelles pour apporter de la variabilité
génétique. La voie femelle est donc à
privilégier d’autant que, déjà, suffisamment de mâles sont présents sur le
massif.
Il conviendrait aussi d’installer
ces femelles aux extrémités du Massif de sorte à déborder l’aire de visite du
mâle dominant et permettre aux autres de trouver compagnes. Deux femelles à
l’ouest, deux autres à l’est, une au centre pourraient constituer une mesure
sensée.Un effectif minimal de 5 femelles
serait aussi une réponse concernant le remplacement des ourses qui ont péri
dans des conditions douteuses et/ou accidentelles. » La Buvette des
alpages.
Alors que dit la presse sur la visite tant attendue de la secrétaire d’État à l’écologie Chantal Jouanno ?.. Passons en revue les différents organes de presse : L’Indépendant, La Dépêche du Midi, Sud-Ouest, La
République des Pyrénées
L’Indépendant et la République
des Pyrénées n’affichent que le communiqué de presse…
Dans le Sud-Ouest du dimanche 25 juillet :
« Il s’agit de la première visite dans la région de Mme Jouanno, qui avait
déclenché en janvier la colère des anti-ours — principalement des éleveurs qui
dénoncent les attaques de troupeaux –, en annonçant qu’il y aurait de
nouvelles « réintroductions » de plantigrades « parce que sinon la
population ‘n’est pas viable ». »
La Dépêche du Midi du 25 juillet
y va de sa rumeur : « Deux ours vont être réintroduits prochainement dans les
Pyrénées ». C’est un membre de l’administration qui l’affirme sous couvert
d’anonymat. Quand ? « Ils seront lâchés à l’automne », ajoute-t-il. Où ? « En
Béarn, dans le massif du Barétous ». D’où viendraient-ils ? « D’Espagne, des
Cantabriques ».L’hypothèse de nouvelles réintroductions avait été évoquée en
janvier par la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno. Mais interrogés
avant-hier, les services du ministère nous répondent : « Il ne s’agit que d’une
rumeur ! »
Mais plus loin dans un long
article, La Dépêche propose une analyse de Christian Arthur, responsable de la
faune au Parc National des Pyrénées, sur la biodiversité et les choix que
doivent faire à un moment donné toutes sociétés si elles veulent perdurer :
« L’homme n’a colonisé la partie
occidentale de la montagne pyrénéenne que depuis moins de 5 000 ans. À cette
époque, elle était couverte de forêts. Espèces et habitats se débrouillaient
plutôt bien sans lui et son arrivée a eu peu de conséquences au début »,
rappelle ainsi Christian Arthur. Ensuite ? Au XIXe siècle, la part de la forêt
n’est plus que de 3 %. Les ours, sangliers et isards ne doivent leur survie
qu’à la médiocre portée des escopettes (fusils) de l’époque. Aujourd’hui ? La
forêt a retrouvé 37 % de son domaine d’origine. Et les Pyrénées demeurent le
dernier massif alpin du sud de l’Europe à conserver des spécificités uniques :
elles sont « un pôle de migrations des espèces d’Europe du nord, d’Europe
orientale et des espèces méditerranéennes où l’on trouve par exemple les deux
tiers des rapaces d’Europe » souligne Christian Arthur. Où l’on trouve l’ours,
aussi, « espèce du nord, qui a trouvé refuge en altitude à la fin de la
glaciation ». Ou des espèces endémiques à l’instar du desman. Mais « le débat,
ce n’est pas de sanctuariser ou non les Pyrénées. Elles ne pourront rester le
refuge de grandes espèces symboliques et un lieu d’accueil pour toutes les
espèces que si c’est accepté par tout le monde » pointe le scientifique. «
C’est donc un choix de société et d’aménagement du territoire à faire et c’est
à la société de le faire. »
Les opposants (l’ADDIP), pour leur part,
invoquent la menace que cette réintroduction fait peser sur les troupeaux. De plus, ils observent que l’ours brun ne constitue
nullement une espèce menacée, et regrettent les sommes dépensées alors que les
populations locales se débattent déjà dans les difficultés économiques. Enfin,
ils soulignent le manque de concertation qui a présidé au projet.
C’est pourquoi ce lundi,
plusieurs centaines de Pyrénéens, hostiles à l’ours, viendront en bus à
Toulouse pour manifester. On peut toujours penser que le fond du débat oppose
deux façons de vivre le rapport à la nature. L’une héritée
d’une longue tradition remontant à des époques où celle-ci représentait un réel
danger pour l’homme et ses activités et l’autre réfléchissant à un nouveau modèle de société ; l’opinion restant globalement favorable à la réintroduction…
Ainsi et on le voit tous les jours, le
rapport à la nature est en train de changer. Il s’agit dorénavant de maîtriser
cette vie sauvage et de lui redonner un espace dont elle se trouve aujourd’hui
privée. Mais cela ne peut se faire sans précaution et un coup de pouce
politique…
Après l’échec de Copenhague, l’abandon
de la taxe carbone et les petits arrangements avec le Grenelle de l’Environnement,
une ultime reculade sur les promesses de renforcement de la population ursine
dans les Pyrénées annoncerait une sale année pour la sauvegarde de la biodiversité en France.
En annexe les communiqués de presse de l’ADDIP Association pour le Développement Durable de l’Identité des Pyrénées et de CAP Ours