Le numéro 91 de La Hulotte est paru
Bourrée d’informations précises, débordant
d’humour, la publication est aujourd’hui devenue une référence avec ses
160 000 abonnés, que les aficionados s’arrachent dans le monde entier. Ce numéro est consacré aux vautours, hôtes de nos montagnes pyrénéennes. Une publication comme celle là fait souffler une brise rafraîchissante sur nos journées d’automne déclinantes.
Chaque année, les « attaques » de vautours font la Une des médias. Pourquoi ? Sensationnalisme politique en période de disette ? Battage médiatique excitant les plus basses émotions du public ? Gauchissement délibéré du sens des mots dans un but de manipulation de l’opinion ? Dans ce genre de débat, pour bien comprendre les enjeux, il faut toujours chercher à qui profite l’information, actuellement pas au naturaliste, ni aux malheureux vautours en tous cas…
Ces informations, déconnectées du terrain, mettent à mal tous les efforts, menés en France et en Europe depuis quarante ans, pour sauvegarder les grands rapaces. Pourtant notre pays, et en particulier les associations de défense de la nature, peuvent se féliciter d’avoir pu sauver les quatre espèces de rapaces nécrophages présentes sur notre territoire (les vautours fauve, moine, percnoptère et le rarissime gypaète barbu) malgré le braconnage, et l’empoisonnement.
Malgré de longs discours protectionnistes il apparait que dès que l’on gratte un peu l’opinion dans le sens du poil on voit ressurgir des fantômes qu’on croyait oubliés. Né d’un passé fondé sur la superstition et l’intolérance, cet imaginaire prend ses racines au plus profond de l’obscurantisme. Ces oiseaux sont accusés, comme par le passé, des pires méfaits et les coûteuses campagnes de protection ne changeront rien. Comme les chouettes clouées aux portes des granges et autres oiseaux de mauvais augure, il y a trop de vautours entendons-nous le plus souvent, même parmi les collègues accompagnateurs, pourtant éducateurs et montagnards sensibles et passionnés. << Trop >>, par rapport à quoi, par rapport à quelle norme ?
De même qu’on nous annonce depuis toujours qu’il y a trop de d’humains sur Terre, il y a aussi évidemment pour les céréaliers de la Beauce trop de forêt en France.
Par contre il n’est pas aussi facile de claironner qu’il y a trop d’accidents de chasse mais en même temps plus facile d’affirmer qu’il y a trop de vautours !
Entendons-nous bien, il n’y aura jamais assez
de faune sauvage dans nos montagnes, jamais assez
de cerfs à Nistos et d’isards à Chérue. Jamais assez
de gypaètes et de vautours à Roldan et au printemps jamais assez
de grues de retour de Galocante, d’Estremadure et de Daroca. Par contre à l’automne, il y aura toujours quelqu’un pour empêcher nos rêves d’accompagner un vol de palombe qui bleuit l’horizon parce que ça fait partie de la culture, de la tradition et du folklore. Et il semble qu’il n’y ait plus autant de palombes qu’autrefois mais le débat sur ce point n’est jamais possible. Si on veut un partage équitable de la Planète il faut laisser une chance équitable à la prédation et elle doit pouvoir s’effectuer dans les deux sens : de l’homme vers l’animal et de l’animal vers l’homme. L’espèce humaine ne peut inconsidérément se promouvoir d’être la seule espèce utile à la Planète. Car dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y eût pas plus place bientôt pour l’homme. Et comme on n’a pas de planète de rechange…
Alors comme le dit si bien Yves Paccalet dans un formidable billet : Je n’entends pas priver les chasseurs de leur droit imprescriptible à répandre bruyamment la mort. Mais je me préoccupe du droit à l’existence des bêtes sauvages, qui me semble tout aussi imprescriptible. J’exige que les chasseurs cessent de viser mes lièvres, mes canards ou mes sangliers. Je revendique ma part de gibier. La seule différence, c’est que je la veux vivante et libre dans la nature.
Alors pour nous rassurer sur la « prédation » morbide des vautours, voilà l’extrait d’un arrêt du Conseil d’Etat qui montre que nous sommes tous solidaires dans la protection de la faune sauvage, de notre patrimoine commun et qui comme tel doit être protégé par tous et pas abandonné à un quelconque lobby, même superbement folklorique. Tout particulier doit pouvoir supporter un certain prélèvement sur ses propriétés de la part de la faune sauvage en tant que participation à la sauvegarde d’un patrimoine commun.
Même si le texte laisse à chacun le soin de définir le niveau du certain prélèvement
, il n’en demeure pas moins que, au niveau des principes et du droit, il est fondamental d’en être informé.
Quelques liens pour réfléchir entre 2 lectures du numéro 91 de la Hulotte :
Yves Paccalet, le blog :Ma part de gibier vivante et libre
Jean-Pierre Choisy : Attaque de vautours faits et analyse
La Buvette des alpages : accidents de chasse en France
La Hulotte : Accueil