Escalade au naturel dans les Hautes Pyrénées

Publié par Pierre MACIA le

La plupart des grands spots (Pène Haute, Suberpène, Pibeste, Campan) ont eu leur topo mais ils sont épuisés depuis longtemps. L’info existe sur le Net mais elle est éparpillée façon puzzle.
On trouve quelques reliques de ces anciens topos sur des étagères secrètes conservés comme des incunables du XVe siècle.
Il manquait  donc l’ouvrage de référence celui qui s’attèlerait  à faire l’inventaire des sites naturels des HP.

On ne pourra plus rien dire dorénavant parce que ce bouquin  existe. Il est sympa, pas cher (10€) et mérite son achat tant sa qualité graphique, esthétique et le propos semble intéressant.
Édité et diffusé par Cairn « Escalade au naturel dans les Hautes-Pyrénées » présente 17 sites du 65 et 489 voies y sont parait-il répertoriées. Il fait l’inventaire des sites conventionnés donc déjà bien connus et cartographiés.
Là où cet ouvrage  devient novateur c’est que chaque site est associé à une présentation des espèces spécifiques à chaque lieu en faune et en flore. D’ailleurs, il ressemble plus à un manuel de naturaliste qu’à un bouquin d’escalade.
Sorte de guide éco-responsable à l’usage des grimpeurs, son objectif est « d’ouvrir au plus grand nombre la pratique des sites », dit-on sur le texte de présentation…
L’intention est louable et la volonté pédagogique manifeste mais à quoi ça sert me direz-vous ?

A grimper intelligemment vous répondrons certains, à  ouvrir les yeux parce que l’escalade ne se résume pas à une série de jetées entre deux prises vissées dans un dévers vert pomme.
On prétend que les anciens grimpeurs escaladaient du vrai caillou, qu’ils leurs arrivaient parfois d’arracher des touffes d’herbe et de virer des lézards vivants (!) qui encombraient de vraies fissures. Le sol était en terre avec des buis autour et le soleil chauffait les prises et les têtes aussi parfois.
On ne montrait pas sa carte d’adhérent au pied de  » La danse du sanglier » et il n’y avait pas grand monde pour te donner LA METHODE pour ne pas mourir d’épuisement en haut de « Pays, bateau fou.»
Il y avait des topos, des grimpeurs mais aussi des équipeurs pour faire naitre des lignes, péter des écailles, nettoyer les bacs.
Sans eux point de falaise, Pène haute serait toujours un somptueux désert de calcaire, une carrière grignoterait Le Pibeste et Campan une forêt verticale de buis au-dessus d’une décharge.
L’escalade semblait devoir rester immuablement naturelle et les grimpeurs, des fouineurs à l’affût de la dernière colonne ou d’un mur bleu perdu…Les topos ressemblaient à des papyrus légendaires sur lesquels des taches de café dénonçaient où ils avaient été conçus.
Chacun grimpait dans son coin et on trouvait  toujours quelqu’un de bienveillant pour laisser échapper une info, du style : « Tu connais le secteur à machin ?… Montgrony ? Els Cogullons ?  Soterrani ?»
Mais c’est une autre histoire…

Alors bravo à ce topo qui vise un très large public et une grande diffusion car telle semble être la volonté des auteurs (le CG 65) même si il porte en lui déjà les germes d’une contradiction.
Nous avons envie de dire aux auteurs : « Si on ouvre largement en espérant faire venir beaucoup de monde, alors le dérangement des espèces n’est-il pas beaucoup plus important ? « 
Ne parlons même pas des chiottes au pied des voies, ni des parkings minuscules, ni des poubelles autour des tables de pique-nique quand il y en a.
Ceux qui traversent les buis de Trassouet, du Stand de Tir, en été, voient de quoi je veux parler. Les sites naturels sont éminemment naturels et ils ne peuvent accueillir ni beaucoup de monde ni ne sont prévus pour ça.
 
Mais là n’est pas le propos du topo qui semble dire dans sa jolie et bienveillante substance: « Emerveillez-vous du vivant, ouvrez les yeux, l’escalade est une activité extraordinaire que l’on peut pratiquer tout en respectant le milieu. » Les falaises ne sont pas des stades plus ou moins verticaux et le grimpeur un sportif bas du plafond sans capacité d’émerveillement.
Prenez le temps de déchiffrer ce que ce topo veut dire. Remarquez que le torrent abrite peut être le cincle, qu’un couple de tichodrome vous regarde et qu’un aigle royal partage le même horizon que vous.
Alors grimpeurs régalez-vous, mais n’oubliez jamais que ces falaises n’existeraient pas si des ouvreurs n’avaient pas scié un buis là, pioché une terrasse pleine de gentianes ailleurs, arraché des poignées de globulaires et coupé un genévrier pour dégager une fissure… et qu’il n’y a pas d’équipement sans un minimum de dérangement.
Il aurait été sympa, utile et surtout juste que les auteurs du topo le précisent, que ces falaises ne sont pas apparues spontanément et sorties de leur gangue de terre, nettoyées, spitées,  labellisées et sécurisées par les fédés et les associations naturalistes.
Alors grimpez beaucoup, grimpez partout, vous pouvez encore arracher une touffe d’herbe et nettoyer un bac, vous ne serez (peut être) pas tenus responsable de destruction d’espèces protégées, d’autres s’en chargent à votre place.

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