Journal d’un berger nomade, Pascal Wick, Le Seuil, 2009.
Pascal Wick est berger. C’est aussi un spécialiste des chiens de protection de troupeau. Détenteur d’un diplôme en économie, ensuite exploitant agricole et enseignant il a beaucoup voyagé en Afrique, au Maghreb et aux États Unis pour choisir le métier de bergers de moutons en France, Espagne et surtout au Montana dans les environs du Parc national de Yellowstone.
Dans ce livre, il nous raconte une année de sa vie consacrée en grande partie au métier de berger. Par ses anecdotes, il nous fait par de ses réflexions par rapport à son métier, au milieu qui l’entoure, à ses relations avec les animaux domestiques mais aussi avec la faune qu’il côtoie.
Pascal Wick est bien connu des naturalistes français car c’est lui qui a fait connaitre l’utilité des chiens de protection pour éviter les dégâts des loups et des ours sur les troupeaux.
Fidèles compagnons du berger, Pascal Wick nous parle des relations uniques qui lient le berger à ses chiens, Maïza et Brook.
Une large part de ce récit est aussi consacrée à son point de vue sur les difficultés que rencontre l’élevage en présence de grands prédateurs.
Jamais simpliste et sans nier les difficultés il nous livre un plaidoyer pour des solutions de cohabitation.
Extraits…
« Davantage que les différences, je vois les similarités qui existent entre moi et ce qui m’entoure. Il n’y a plus moi et les humains face au monde, il y a tout ce qui est, et j’en fais partie. » (p.168)
La vie sauvage
« A partir de demain, je serai dans un paysage où l’empreinte humaine est quasi inexistante, un environnement qui n’est pas « géré » par l’homme. Des forêts qui savent se passer des « gestionnaires forestiers », où il y a des arbres de tous les âges, des jeunes et des moins jeunes, des arbres dans la force de l’âge, et aussi de très vieux. Des forêts où les arbres meurent de leur belle mort, de vieillesse, des cadavres à tous les stades de décomposition, depuis ceux qui sont encore debout avec toutes leurs branches jusqu’à ceux qui se sont écroulés et ont été réduits à l’état de débris transportables par les fourmis. Des forêts qui ont brûlé pour laisser place à d’autres espèces qui ont besoin du feu pour se régénérer. Des troncs calcinés encore debout, durs comme le fer, témoins d’un incendie datant d’avant l’arrivée de l’homme blanc. » (p.83-84)
Les prédateurs
« Je suis berger, et toute brebis tuée est colère, tristesse et échec. Je n’accepte pas que l’ours, le loup, le coyote, le lion des montagnes, l’aigle, le grand corbeau s’en prennent au troupeau. Je veux que ces prédateurs le respectent. A moi, le berger, de faire en sorte qu’ils n’attaquent pas les bêtes dont j’ai la garde. Je ne veux pas les tuer, les éliminer systématiquement. Je ne veux pas entrer dans la logique de l’escalade.
La vie
« En pénétrant avec un troupeau de moutons dans une zone où il y a de grands prédateurs, pour qui tuer une brebis représente peu de risques et une faible dépense par rapport à l’énergie gagnée, je fais de la provocation. Même s’il est à 70% herbivore, il est autrement plus facile pour l’ours d’attraper une brebis qu’un mouflon. Dès lors, pourquoi se priverait-il d’une aussi bonne source de nourriture? » (p.129)
La mort
« Mourir et que personne ne le sache. Mourir seul, le ciel dans les yeux, couché sur la terre. Mourir dans le vent, sous la pluie, mourir dehors, parmi les éléments, mourir et servir de nourriture au grand corbeau, au coyote, à l’aigle, à l’ours, au loup serait une fin honorable. » (p.170)
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