Armando, s’il te plait, dessine moi un topo.
Au départ, une photographie de la face (Roca de l’Ordiguer). Sur un calque, les grandes lignes sont dessinées. Les ombres apparaissent. Les tourelles, bastions, éperons naissent de la face compacte de la muraille. Une étrange lumière semble apparaître des profondeurs. La troisième dimension prend forme, croit et finit de remplir la feuille. En main, le topo ne ressemble pas exactement à la face mais il « est » devenu la face. Mieux qu’une photo, le dessin décrit un cheminement humain, une histoire de corde et de cordée, une escalade. On sent la terre humide des vires, les edelweiss flétries, les gentianes acaules, les coussinets des saxifrages. On voit la corde filer, les pierrailles dégringoler et les isard fuir sur le versant à l’ombre.
A Montserrat, la chevelure affro de Jimy Hendrix compose la base de la paroi de l’Aéreo (Electric Ladyland). Le grain de peau devient le grain de rocher, l’aile du nez, une cavité. Une Alice scrute la paroi des Diables à la recherche de grimpeurs ou d’un passage vers un improbable no man’s land. S’arracher au sol, c’est quitter la Terre pour le temps d’une voie. Surréalisme, érotisme, rock and roll, heroic fantasy enlumine l’univers d’Armand Ballart. Et nous avec. Parois ou impossibles ailleurs ? Escalade ? Chimères de pierre ? On se projette sur une arête. Des pierres volent. Une ombre se dessine et tire un rappel. On devine une source d’inspiration dans les traits hallucinés et nostalgiques des vieux comics américains (Burne Hogarth, John Buscema, Alex Raymond ) jusqu’aux dessinateurs plus contemporains Robert Crumb, Moebius, Druillet et Enki Bilal.
Catalan de Barcelone, Armand Ballart a ouvert un peu plus de 400 itinéraires (Easy Rider, Rolling Stones, Musical Express, Estimball) un peu partout sur la péninsule ibérique. Il aime la punk Nina Hagen et la musique planante du Tangerine Dream, tout ce qu’on aimait dans les années 80 où l’escalade était un mode de vie, une aventure entre anciens hippies et nouveaux babas, un truc sans règles précises. Les seules tacitement admises venaient du Yosemite ou du Verdon.
Pour apprécier cet admirable travail : son blog s’appelle Terapia vertical…tout un programme ! (Conseil pour ce billet : Cliquez sur les images pour les avoir en mode Plein Ecran…Waaa !)