A mes montagnes – Walter Bonatti

Publié par Pierre MACIA le

On  ne se présente plus Walter Bonatti . Originaire de Bergame, ce grimpeur italien a connu une carrière inouïe. Il pratiqua en son temps, une forme d’alpinisme où l’engagement personnel et le style priment sur le résultat et la technique. Cette philosophie le conduisit vers les derniers « grands problèmes » des Alpes et dans l’Himalaya où la conquête du K2 balaiera ses dernières illusions sur le romantisme et la grande fraternité des cordées.
C’est cette intégrité et cette modernité que les organisateurs des piolets ont voulu célébrer en remettant cette récompense pour la « carrière » de Bonatti.
Touché par cette récompense, l’italien avoue n’avoir suivi que de loin l’évolution moderne de l’alpinisme. « J’en suis resté à une autre époque, celle de mes aînés Lionel Terray et Gaston Rebuffat. J’admire les athlètes de la montagne mais je n’ai jamais considéré l’alpinisme comme un sport. Je ne cherchais pas l’exploit mais à me connaître moi-même. Si j’ai arrêté si tôt ( à l’age de 35 ans) c’était pour connaître d’autres terrains d’action, partir sur les traces des grands écrivains voyageurs comme Jack London mes vrais idoles…« 
Alors pour avoir une idée de la philosophie du grand Walter il faut lire ce vieux livre qui se nomme: « A mes montagnes « .
Paru en 1963, il commence par cette phrase : « A cette époque où nous vivons, où la technique a triomphé sous le pôle Nord et dans la Lune… qu’y a-t-il de plus beau que de pouvoir encore courir nu-pieds et de faire des cabrioles dans les près ? »
Vieux livre…pour de vieilles idées…Pourquoi courir pieds nus après tout?

On est loin des piolets d’or, pourtant ce que veut récompenser cette manifestation c’est un peu du romantisme perdu des années d’après guerre où des grimpeurs comme Lachenal, Buhl, Terray, Rebuffat tracèrent les grandes lignes de l’alpinisme moderne. Dans les Pyrénées, cet engagement fut mené par les Ravier, Despiau, Butel, J. Ollivier et dans un passé plus proche, Boileau, Casagrande, Bedel, Bunny, Castéran…
« A mes montagnes » traverse 10 ans de la vie météoritique de Bonatti et décrit les premières années de sa carrière qui s’égrènent de1949 à 1961. C’est un bouquin moderne, précis, sévère et lumineux. D’une écriture très naturaliste, s’attachant presque uniquement au fait,  il décrit avec des mots simples dans un style épuré, les Alpes de ces années d’après-guerre où avec Terray et Rebuffat, ils inventèrent le métier moderne de guide. Ils découvrirent aussi et subirent les débuts de la médiatisation où une bonne première se devait d’être aussi en première page des journaux. Ils en jouèrent parfois mais en payèrent le prix le plus fort…
Les chapitres déroulent  à l’identique la liste ahurissante des courses que Bonatti parcourues souvent en solo et dans les derniers recoins sauvages des Alpes. Ces voies démontrent à elles seules quel grimpeur extraordinaire fut Bonatti. Rendez-vous compte !
Face nord des Jorasses, du Pitz Badile, de la Cima Grande, face Est du Grand Capucin, expé au K2 et bivouac à 8100 m sans matériel, pilier sud-ouest du Dru en solo (pilier Bonatti, effondré en 2003), la Poire en hiver, Grand Pilier d’Angle, Traversée de l’arc Alpin (1795 km)  à skis en 66 jours, première du Gasherbrum IV, au Pilier Rouge du Brouillard, la Major en solo et enfin première au Pilier du Fréney…
Mais deux des plus grandes tragédies de l’histoire de l’alpinisme dont Bonatti sera l’acteur majeur vont jeter une ombre sur sa fulgurante carrière. Il faut se souvenir du drame de Vincendon et Henry au Mont-Blanc et de l’aventure tragique du pilier du Fréney où ses compagnons de cordée périssent un à un lors d’une débâcle furieuse dans une inimaginable tempête à 4000 m. Une espèce de force sauvage mènera Bonatti, Mazeaud, Galliéni jusqu’aux frontières de la mort, les arrachant du néant pour les laisser échoués aux portes du refuge Gamba. On reprochera à Bonatti d’avoir par 2 fois survécu à ces drames évidemment fortement médiatisés !  « A mes montagnes » restera à tout jamais un somptueux récit. Commencé par des cabrioles d’enfants, il se finit comme tout grand livre dans les pleurs, les remords et la souffrance  !
Alors, peu après Bonatti fit ses adieux à l’alpinisme en gravissant une dernière fois la face nord du Cervin en hiver et par une voie nouvelle. Las, fatigué, nerveusement épuisé, il rangea son sac à dos, ses pitons et son marteau au fond d’une armoire. Une vie nouvelle l’engagea vers la découverte des grands espaces lointains sur les traces du grand Jack London qu’il admirait tant. Sa renommée et sa médiatisation dans les hebdomadaires « grand public » lui facilitera sans doute sa conversion. Il devint grand reporter pour la revue « Epoca » pour laquelle il travaillera jusqu¹en 1979.

Bonatti
au Drus ICI

Biblio
En Français, Walter Bonatti a notamment écrit :
* A mes montagnes, première édition chez Arthaud en 1962
* Les Grands jours, première édition chez Arthaud en 1973
* Magie du Mont Blanc, première édition chez Denoël en 1984
* La Patagonie, première édition chez Denoël en 1986
* Adieu Amazonie, première édition chez Denoël en 1989
* Montagne d’une vie, première édition chez Arthaud en 1997
* Ascensions dans les Alpes, première édition chez Arthaud en 1998
* L’affaire du K2, première édition chez Guérin en 2001
* Terres lointaines, première édition chez Arthaud en 2002
* K2, la vérité, première édition chez Guérin en 2004
* Chronologie d’une affaire, première édition chez Guérin en 2005s