Verticualidad, Patrick Edlinger, Cité des Pyrénées…

Publié par Pierre MACIA le

L’idée de Pôle Montagne fut toujours sous-jacente, l’idée de perdre notre âme aussi, sans cesse soulevée.
Se développer pourquoi ? Fédérer pour quoi faire ? Un bâtiment mais que fera-t-on dedans?
Avec quels moyens, quels salariés, quels financements ?

Les partenaires ont toujours été à nos côtés. Certes, mais sans réponses aux questions posées. Sans ligne directrice majeure. Sans idée précise de ce que pourrait apporter un Pôle montagne à la ville de Pau, un projet ambitieux face à ces Pyrénées tant admirées, vantées, plébiscitées et des moyens justes pour le faire tourner.

Ce fut une chance ! On a fait ce qu’on a voulu, largement, sans contraintes avec une foi inébranlable dans le potentiel de quelques-uns.
On s’est régalés. C’est fou ce que l’on peut espérer de l’être humain quand on lui laisse la bride sur le cou, qu’on le laisse créer, imaginer, avancer…pour le bien commun. Ces anarchistes de grimpeurs qui ne veulent jamais de contraintes, de bornes, de limites, quand ils se foutent ensemble sur une voie qu’ils ont eux-mêmes définie, sont capables de tout.
Verticualidad est né de ça.
Grimpe, grimpeurs, cailloux, voyages, rencontres sans contraintes sont les limites d’un projet qui n’en a aucune.
Verticualidad, son essence c’est de ne ressembler à rien. Sa vérité c’est qu’il n’y en a jamais. Sa force c’est de nous réunir pour fêter l’escalade, l’esprit, les sens, le vide et la joie du vent, le bonheur du soleil, le gout acide de la soif et du caillou.

En puis, cette année, Edlinger s’est barré. Il a sauté le pas. Il est parti en solo.  Nous ne l’aurions sans doute jamais invité. Mais voilà, nous n’en aurons aussi plus jamais l’occasion.
Ce nom ne représente rien et représente beaucoup pour les grimpeurs des années 80, les années où Mitterrand succéda à Giscard, où l’on passa d’une France vieillotte à une société où tout devait changer radicalement.
Après les beatniks, les hippies, le Larzac, Charlie Hedbo (avec Reiser), Actuel, les grimpeurs du Yosemite puis du Verdon, les Pshitt, Troussier, Bérhault et Edlinger vont bousculer ces limites poussiéreuses et nous libérer d’un paquet de trucs, à une époque où on en avait bien besoin.

Cet Edlinger qui se pendait d’une main dans le toit de la Béda, répondant ainsi au californien John Bachar, disait à tout le monde que les années à venir allaient être plus libres, plus joyeuses, plus détendues, plus gaies…

On sait ce qu’il est advenu. Patrick Edlinger n’a rien changé du tout, l’escalade ne sert à rien, comme les oiseaux et la poésie, mais il fut malgré lui un acteur majeur de nos années de grimpe.
Sans lui, l’escalade serait sans doute moins célébrée, toujours conservatrice, les SAE n’auraient pas vu le jour aussi facilement. Edlinger a démocratisé l’escalade, l’a mis au journal de 20h, l’a sortie de sa marginalité, l’a rendu populaire.
A une activité élitiste, il y a ajouté de la grâce, de l’esthétisme et une forme d’art…
Il nous a fait rêver et nous a permis d’aspirer à une escalade en harmonie avec le rocher comme personne ne l’avait jamais proposé auparavant. On ne dira jamais combien « la déglingue » fut pour tous les grimpeurs quelqu’un d’important, la référence, le grimpeur par excellence.
Gullich, Yaniro, Bernd Arnold, Moffat, Le Menestrel, Glowacz n’ont jamais eu sa renommée.
Andrada, Ondra seront encore plus vite oubliés.
Edlinger, Dieu comme disent les jeunes, est mort et avec lui une partie de notre jeunesse. Patrick a rejoint Patrick.

Edlinger fait partie de ces rares personnes qui pendant un court instant nous ont fait entrevoir la vie en fines gouttelettes plutôt que comme une tornade avide ou ce fleuve fracassant qui l’a emporté.

Et alors ?
L’escalade c’est la vie, la pulsion primordiale, le souffle et l’énergie. Mettre un baudrier, faire le nœud, ranger ses dégaines, c’est avancer et vivre.
Verticualidad se doit de fêter la vie.
Verticualidad a aujourd’hui 4 ans. Il faut souhaiter que cet événement reste pour longtemps un objet décalé, poétique, urgent, vibrant. C’est tout ce qu’on peut lui souhaiter.
Que l’on ressorte d’une soirée comme d’une longue voie avec le plein de force, l’envie d’en découdre et une espèce de légèreté de l’âme.
Verticualidad doit demeurer pour tous un pur moment d’adolescence, avec un bandeau rouge dans les cheveux…

Hasta la vida, siempre !